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samedi, 08 novembre, 2008

OFLAG II A Prenzlau | Patriotisme, Moral, Fronder

Maj. LEGRAND, officier évadé le 22 juillet 1943 : Rapport sur les Conditions de Vie des officiers belges prisonniers à l'Oflag II A, à Prenzlau (Londres, le 29 février 1944)

Obligations des prisonniers

Les Prisonniers sont astreints à deux appels par jour en temps normal; des appels supplémentaires ont lieu lors de circonstances particulières : évasions, punitions collectives, etc... Ces appels se font dans la cour en rang par 5, par compagnie et par bloc. Un major allemand les préside. Tous les mercredis, le Commandant allemand du camp passe les officiers en revue; le salut est alors exigé au commandement par blocs de 50 officiers et l'officier allemand défile le long des rangs la main au képi.

Contrairement à la Convention de Genève, les Allemands exigent que tous leurs officiers soient saluées par les officiers belges quel que soit leur grade. Ces exigences ont provoqué des frictions à différentes reprises et des réclamations restées sans suite. La plupart des officiers tournent le dos à l'approche des officiers allemands.

Les Allemands ont retiré aux Belges le droit de punir et l'exercent eux-mêmes; les punitions sont en général du cachot de 4 à 14 jours pour avoir fumé dans les rangs, attitude incorrecte ou insolente à l'appel, refus de saluer, tentative d'évasion, jet de cigarettes ou de vivres aux prisonniers étrangers venant à la visite médicale, etc..., etc... Plusieurs officiers ont été traduits en conseil de guerre pour menaces, tentatives de corruption ou calomnies envers l'armée allemande. En général, cependant, l'attitude des Allemands est correcte et rarement provoquante.

En plus des appels à l'extérieur, il y a des appels à l'intérieur des chambres et des contrôles de nuit. Périodiquement, des chambres sont fouillées pour prévenir éventuellement les évasions. De temps à autre, des inventaires sont faits et les manquants doivent être payés par la communauté.

Dans la cour, un fil de fer barbelé indique la limite à moins d'un mètre de laquelle on ne peut s'approcher sans courir le risque d'un coup de fusil sans avertissement (le fait s'est produit). Un officier, le Lt. ROUCHON ( ou ROULON W. ? + 4.11.1941), a été tué d'un coup de fusil lors d'une tentative d'évasion.

En général, lors du décès d'un officier, une délégation belge peut accompagner le corps au cimetière et les honneurs sont rendus par un piquet allemand. Les tombes sont entretenues correctement et peuvent être visitées par une délégation belge, lors de certaines circonstances, à la Toussaint notamment.

Moral des prisonniers

Le moral des officiers était excellent lors de mon départ. Les succès anglais en Afrique et en Italie, et l'avance ininterromue des Russes l'ont porté à un niveau très élevé et nul d'entre eux ne doute plus actuellement de la victoire finale. Ceux que cela chagrine sont heureusement très peu nombreux car les éléments collaborationnistes flamingants et rexistes sont rentrés au pays depuis longtemps sous un prétexte quelconque.

Humour

Photo du groupe tournaisien à l'occasion de la Fête nationale du 21 juillet 1941

Voici une photo qui est une aimable plaisanterie, une belle pointe d'humour !

Lors du cortège folklorique qu'ils organisèrent à l'occasion du 21 juillet 1941, de nombreux prisonniers grimés eurent l'occasion de poser pour la postérité. Ci-dessus le groupe des Tournaisiens. Ils sont irréprochables. N'est-ce-pas ?

Image sans reproche, échappant donc à toute censure.

Et pourtant !

La seconde image représente le même bâtiment, le bloc E, sous le même angle et dessiné en grisaille par le lieutenant Charly Binamé en 1943 ou 44. On y devine sur la façade - mais il faut le savoir -, au-dessus de la porte centrale et en dessous de la bordure du toit, un insigne monumental de la Wehrmacht :

L'aigle et la swastika ! Couple sinistre qui accompagna toutes les promenades des adeptes de la marche à pied à Prenzlau, pendant toute leur captivité.

Sur la photo des Tournaisiens, l'aigle germanique a cédé la place à un grand panneau illustrant les fameux Cinq Clotchis de la cathédrale de Tournai. Et la maquette du Beffroi de la ville trône à côté du Bloc E de l'Oflag II-A, comme à Tournai C'est un joli clin d'oeil des Tournaisiens prisonniers à leur ville écrasée par les bombardements de mai 1940.

Geprüft ! La photo passa la censure...

Le sous-lieutenant Paul HERMAND raconte dans ses souvenirs :

Le mardi 8 mai, ce fut la fin de la guerre ; le lendemain, les Russes fêtèrent leur victoire. Le jeudi 10 mai, -c'était la fête de l'Ascension (NB : et aussi le 5eme anniversaire de l'agression allemande contre la Belgique) - un Te Deum solennel fut chanté à 11h15 en présence du commandant de camp russe : les cinq hymnes nationaux russe, américain, anglais, français et belge furent exécutés. Cela plut fort au commandant russe qui apprécia tellement le faste de cette cérémonie qu'il demanda l'organisation d'une cérémonie identique le dimanche suivant (soit le 17 mai). Ainsi fut fait, et ce jour-là, on procéda en outre à la décapitation solennelle de l'aigle nazi, (...) celui qui se trouvait au fronton du Bloc E.
Posted by bertinj at 4:42 PM
Edited on: samedi, 08 novembre, 2008 5:00 PM
Categories: Oflag II A Prenzlau, Résister