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mardi, 11 novembre, 2008

PHOTOTHEQUE | La Vie dans le Camp | Manger

Choubinette, Cubilo... faut choisir

Choubinette Steyaert

Velasquez - Les Forges de Vulcain

Prenzlau, Cantine, Geprüft#4


Posted by bertinj at 9:42 AM
Edited on: mardi, 11 novembre, 2008 11:04 AM
Categories: La Vie dans le Camp, Photothèque

dimanche, 09 novembre, 2008

OFLAG X D Fischbeck | Le Service Santé

HACHEZ Freddy (Lettre clandestine, fin juillet 1943)

PARASITES

Parlons aussi des puces ! C’est la grande plaie du camp. Elles sont parfois dans les paillasses, faites de copeaux de bois (Je préfère la paille que nous avions à Prenzlau : elle était pourtant vieille de 4 ans !) dans les cloisons, dans les planchers, dans le sable aussi… Leurs morsures sont curieuses et fort désagréables : elles laissent des traces comme des pustules de vaccin contre la variole. Certains réagissent très fort : gourmes d’un rouge violacé qui se couronne d’une ampoule, s’envenime plus ou moins ! Quant à moi ce ne fut pas aussi grave, je suis resté dans une honnête moyenne : mes bras, mes jambes, mon ventre ont présenté l’aspect d’une bonne varicelle avec fortes démangeaisons mais cela va beaucoup mieux. Il parait qu’une certaine immunisation s’opère au bout d’un certain temps ; je suis disposé à le croire. Les dernières morsures dont j’ai été victime ont provoqué des réactions beaucoup moins fortes. Tu me demanderas : comment ne supprime-t-on pas ces sacrées bestioles ? – Tous les insecticides du monde n’y ont rien fait. On en est réduit à faire la chasse : matin et soir on passe une inspection méticuleuse de son linge, on visite sa housse et l’on est heureux comme un gosse au matin de la St-Nicolas quand la battue a été fructueuse.

[Les Colis]

Aumône

Bombardement ravageur d'Anvers et de Vieux-Dieu (Oude God, Mortsel, Usines Gevaert), 3 avril 1943. Les occupants s'associèrent pompeusement aux manifestations en l'honneur des morts et des sinistrés. Une collecte pour les victimes fut organisée parmi les prisonniers de l'Oflag II-A à Prenzlau (sources: lettres clandestines de Raymond GABRIEL (s.d.) et de Raymond TASSIER, 12.9.1943)

N'y ayant si pauvre, vil et abject, criminel et prisonnier, à qui cette permission (de faire l'aumône) soit jamais par aucune loi refusée. (Marie Stuart, lettre du 15 mai 1585, citée www.dicocitations.com)

Posted by bertinj at 8:56 AM
Categories: La Vie dans le Camp

[Souffrances]

La pire des Déchéances

La pire des déchéances, celle de l'homme que d'autres ont dépossédé de lui-même (Raymond Guérin, préface à "La Peau et les Os" de G.Hyvernaud. Raymond Guérin est aussi l'auteur de "Les Poulpes") Tags: politique, vie,

La liberté selon les Stoïciens

Est libre celui qui vit comme il veut, qu'on ne peut pas contraindre ni empêcher, ni forcer, dont les volontés sont sans obstacles, dont les désirs atteignent leur but, dont les aversions ne rencontrent pas l'objet contesté. (Epictète, ex-esclave, Entretiens IV I.1

Illusions ?

Qu Yuan, dans les Elégies de Chu (Chant du Pêcheur), déclare: Le monde est ivre, moi seul suis lucide. C'est ainsi qu'on est libre d'esprit et de corps. A quoi Hong Zicheng, en ses Propos sur la Racine des Légumes, II, 18, répond: Laisser les autres courir après les honneurs et les profits, mais ne pas leur reprocher leur ivresse. Etre détaché et naturel, mais ne pas se targuer d'être le seul lucide. C'est là ce que le Bouddha appelle ne pas être prisonnier des phénomènes et des illusions. Mais laisser le monde à ses ivresses sans prétendre à la lucidité, était-ce là le vrai problème des prisonniers des oflags et des stalags derrière leurs barbelés ou leurs barreaux? Les miradors, les sentinelles, les corvées, les humiliations, la faim, le froid, la censure étaient-ce des illusions?

Droit à la Liberté

Tout homme a droit à 24 heures de liberté par jour.

Espoir

Souffrir un an, deux ans, bon! Mais répéter ça pendant des années et des années, sans jamais savoir si on en verra le bout, c'est cela qui, à la longue, paraissait inadmissible. Le condamné aux travaux forcés à perpétuité sait au moins à quoi s'en tenir. Avec un peu de philosophie, il peut encore essayer de s'organiser. Mais imaginer le gars qui, chaque matin, se demande s'il n'est pas là jusqu'à la fin des fins. Et qui par dessus le marché, se sent parfaitement innocent. Car il lui restait de l'espoir! On dit que l'espoir fait vivre. Mais aussi l'espoir fait mourir à petit feu. Il use les nerfs. C'est une drogue qui excite sur le moment. Après qu'elle a cessé de faire effet, on retombe plus bas encore... (Raymond Guérin, préface à G.Hyvernaud, "La Peau et les Os")

Une Cause juste

Words cannot express the exultation felt by the individual as he finds himself, with hundreds of his fellows, behind prison bars for a cause he knows is just. - trad.fr.: Aucun mot ne peut exprimer l'exultation d'un individu qui se retrouve, avec des centaines d'autres, derrière des barreaux pour une cause qu'il sait juste. (The Words of Martin Luther King, selected by Coretta King)

D'accord, mais s'il est seul? Et s'il est pris de doute?

Degré d'humidité

Dans "La Vie dans un Oflag - Cinq Années derrière les Barbelés" (Gembloux, Duculot, s.d.mais vers 1946), un livre consacré à l'Oflag X-D (Fischbeck-Harbourg, non loin d'Hamburg et d'Altona), l'Aumônier militaire J.KEMPENEERS, note, p.96: "Léon BLOY aurait écrit quelque part: "La captivité est comme une campagne où il pleut toujours..."

Et selon Jean-Paul KAUFMANN, otage au Liban pendant 3 longues années, écrit dans "La Chambre noire de Longwood", (Napoléon à Sainte-Hélène): "La captivité est d'abord une odeur... l'humidité qui exsude des murs et des cheminées."

Finalement on est très près de Job mon ami (VII, 12) quand il se demande s'il est une mer ou une baleine pour avoir été enfermé par son Seigneur comme dans une prison.

Posted by bertinj at 8:49 AM
Categories: La Vie dans le Camp

[Service religieux]

Dieu en geôlier

Lectures pieuses et interprétations

Numquid - Mare sum ego, aut cetus - quia circumdedisti me carcere? - Trad. franc. Mon Dieu, suis-je une mer ou une baleine pour avoir été enfermé par vous comme dans une prison ?

Cette traduction de Job VII, 12 est de Voltaire, Dictionnaire philosophique, article Job. - La Bible de Jérusalem explique la mer comme les eaux antérieures à la séparation des eaux et de la terre à la création, et la baleine comme une personnification des monstres marins peuplant ces eaux.

Mais ce qui compte, c'est que Job se sent prisonnier, il est emprisonné et il considère son Seigneur comme un geôlier qui l'enferme et non comme un libérateur.

Après tout, Caïn eut la même impression avec l'œil de Dieu (et elle ne fut pas passagère)

Posted by bertinj at 7:44 AM
Categories: La Vie dans le Camp

[Ecrire]

Ecrire - Courrier - Agenda et Memoranda - Recopier - Résumer.

Censure

Lettres : quand on les écrit, on a l'impression d'être le prisonnier qui parle à sa femme à travers une grille sous l'œil d'un gardien à casquette et trousseau de clefs qui compte les minutes.

(G.Hyvernaud, Carnets d'Oflag, Le Dilettante, p.112)

On n'est tout de même pas Caïn parce qu'on est prisonnier. Dans un poème de La Légende des Siècles, poème intitulé La Conscience, Victor Hugo consacre une centaine de vers à Caïn, poursuivi par un œil omniprésent. Protégé par ses enfants, nomades, derrière des murs de toiles de tentes, de bronze et de granit, Caïn va jusqu'à s'enterrer, mais rien ne peut arrêter l'œil de Dieu: « L'œil était dans la tombe, et regardait Caïn ». L'œil du Dieu geôlier?

Posted by bertinj at 7:28 AM
Categories: La Vie dans le Camp

samedi, 08 novembre, 2008

OFLAG II A Prenzlau | Ecrire

Maj. LEGRAND, officier évadé le 22 juillet 1943 : Rapport sur les Conditions de Vie des officiers belges prisonniers à l'Oflag II A, à Prenzlau (Londres, le 29 février 1944)

Correspondance:

Les prisonniers reçoivent alternativement une lettre et une carte tous les 10 jours. Les officiers généraux un plus grand nombre et les pères de famille nombreuse (5 enfants au moins) ont droits à une lettre mensuelle en plus.

La correspondance est distrribuée deux fois par jour par un officier postier bénévole qui la remet dans les chambres après l'avaoir reçue du bureau centrale belge. Toutre la correspondance est censurée plus ou moins attentivement suivant le censeur et son humeur du moment. Les durées d'aller et retour des correspondances sont très variables : 10 à 25 jours pour la Belgique, jusqu'à 1 an pour les Etats-Unis.

OFLAG II A Prenzlau | Le Chauffage

Maj. LEGRAND, officier évadé le 22 juillet 1943 : Rapport sur les Conditions de Vie des officiers belges prisonniers à l'Oflag II A, à Prenzlau (Londres, le 29 février 1944)

Casernement et Installation matérielle:

Chauffage des locaux. Les locaux disposent du chauffage central, mais celui-ci, par suite des restrictions de plus en plus fortes, est nettement insuffisant. L'hiver 42-43, on ne donnait que quelques coups de chaleur par jour et pendant la soirée et dans beaucoup de chambres, les radiateurs ne tiédissaient même pas; les caves sont supposées être chauffées par les tuyauteries d'amenée et de retour de vapeur garnies d'amiante. Les genriers étaient évacués l'hiver. Certains officiers viennent à l'appel enveloppés dans leurs couvertures et sont obligés de conserver celles-ci sur eux pendant toute la journée. L'hiver, de nombreux officiers circulent en sabots.

OFLAG II A Prenzlau | Informer et s'informer

Maj. LEGRAND, officier évadé le 22 juillet 1943 : Rapport sur les Conditions de Vie des officiers belges prisonniers à l'Oflag II A, à Prenzlau (Londres, le 29 février 1944)

Correspondance:

Il existe dans tous les blocs et garages un organisme qui diffuse tous les soirs les nouvelles de toutes espèces et de toutes sources après la fermeture de ceux-ci. La traduction du communiqué allemand et des articles intéressants, des nouvelles de Belgique reçues clandestinement ou autres, des bruits "venant du dehors" sont ainsi lus journellement. Ces émissions sont très suivies surtout en période d'activité militaire et ont fortement contribué à soutenir le moral pendant les périodes sombres.

Les prisonniers sont autorisés à s'abonner à des journaux et publications allemands, belges et français. Les journaux allemands locaux sont reçus le jour même, les grands quotidiens le lendemain; les journaux belges et français avec un décalage de quelques jours. Un diffuseur placé dans la cour donnait les communiqués allemands et les émissions spéciales; depui les revers en Russier, le poste est soi-disant hors service.

De nombreuses publications bien illustrées rédigées par des associations régionales circulent sous le manteau.

OFLAG II A Prenzlau | Métiers autorisés

Maj. LEGRAND, officier évadé le 22 juillet 1943 : Rapport sur les Conditions de Vie des officiers belges prisonniers à l'Oflag II A, à Prenzlau (Londres, le 29 février 1944)

Ateliers de Réparation

Il existe un atelier de couture et une cordonnerie; le personnel ouvrier est belge, sous direction et surveillance allemande. Les objets à réparer sont pris et remis toutes les semaines, mais le tour ne revient que tous les deux mois et on ne prend qu'un seul objet à la fois. Au moment de mon départ (fin juillet 1943), il fallait fournir les matières nécessaires aux réparations, cuir ou étoffe. Les débrouillards s'en tiraient et les ouvriers s'enrichissaient. Lorsqu'un objet était irréparable, les Allemands au début l'échangeaient, mais donnaient des effets polonais, norvégiens, français, anglais, etc... mais jamais belges. Actuellement, le magasin était presque vide et l'on obtenait d'effets qu'en soudoyant le sous-officier allemand.

Les chaussures hors d'usage étaientr remplacées par des sabots avec tige en cuir.

En mai-juin, des chaussures américaines et anglaises ont été distribuées aux prisonniers.

Coiffeur

Une petite chambre sans meuble ni eau courante sert de salon de coiffure; on vous y coupe tout juste les cheveaux "à la boche". Personnel belge, matériel difficilement remplaçable.

OFLAG II A Prenzlau | Commerce, Marché noir, Solde

Maj. LEGRAND, officier évadé le 22 juillet 1943 : Rapport sur les Conditions de Vie des officiers belges prisonniers à l'Oflag II A, à Prenzlau (Londres, le 29 février 1944)

Maj. LEGRAND, officier évadé le 22 juillet 1943 : Rapport sur les Conditions de Vie des officiers belges prisonniers à l'Oflag II A, à Prenzlau (Londres, le 29 février 1944)

Cantine

Une cantine existe au camp, vendant tout ce qu'elle peut acheter à l'extérieur, autant dire rien. De temps en temps, un peu de bière, de la poudre de dentifrice, du sel, des livres allemands, etc...

Foire aux Echanges

Une fois par semaine, une foire aux échanges a lieu au réfectoire. Objets ou aliments sont échangés ou vendus. Les prix sont fixés par une commission et un pourcentage servant à constituer des fonds de secours est prélevé sur les ventes. Cette foire permet aux non-fumeurs de troquer leurs cigarettes pour des vivres.

Solde

La solde est payée tous les 10 jours en lager marks et est proportionnelle au grade. Un major touchait 108 lager marks pour 30 jours. Tous les mois, un maximum de 150 lager marks peut être envoyé aux ayant-droits en Belgique, où les paiements ont lieu régulièrement endéans les deux mois.

Un prélèvement sur la solde permet de distribuer quelque argent supplémentaire aux soldats. Ceux-ci ont encore la ressource de lessiver le linge des officiers, de ravauder leurs chaussettes, etc... contre paiement, pour améliorer leur situation.

Oeuvres de solidarité

Par des collectes, des prélèvements sur les recettes du théatre, des concerts, etc..., de la cantine, des foires aux échangess, de grosses sommes ont pu être versées à divers oeuvres charitables en Belgique, dont l'objet principal était de venir en aide aux familles et aux prisonniers nécessiteux. Une commission décidait des secours à allouer ou des colis gratuits à fournir à ceux qui en faisaient la demande ou dont les noms lui étaient communiqués.

Une caisse d'assurance sur la vie avait été créée. Grâçe à des versements modiques proportionnés aux grades, la famille de tout militaire affilié décédant au camp recevait une somme de 50.000 francs. Des collectes étaient autorisées pour les cas non prévus et rapportaient en général sensiblement la meme somme.

Posted by bertinj at 4:53 PM
Edited on: samedi, 08 novembre, 2008 5:21 PM
Categories: La Vie dans le Camp, Oflag II A Prenzlau

OFLAG II A Prenzlau | Le Service Santé

Maj. LEGRAND, officier évadé le 22 juillet 1943 : Rapport sur les Conditions de Vie des officiers belges prisonniers à l'Oflag II A, à Prenzlau (Londres, le 29 février 1944)

Soins médicaux:

Le personnel médical est constitué par 5 médecins belges (dont 1 de la réserve) et des infirmiers belges sous contrôle d'un médecin allemand et de sanitaires allemands.

Tous les matins, les officiers malades vont à la visite à l'infirmerie, sont soignés immédiatement ou désignés comme entrant, s'il y a lieu. Les cas graves ou urgents nécessitants une intervention chirurgicale sont traités à l'hôpital civil de Prenzlau ou dans des hôpitaux militaires situés à plus de 150 km du camp. La salle d'attente est trop petite et l'on attend souvent dans le couloir; les pansements se font en public, les trois médecins et les infirmièrs travaillant en même temps et il n'y a pas de distinction de grade. Le médecin allemand passe tous les jours dans les salles des alités, mais ne fait rien, les soins étant donnés par les Belges. Des visites périodiques désigner les malades proposés pour rentrer en Belgique. Presque toujours, ceux-ci attendent pendant de longues semaines, si pas des mois, l'arrivée du train sanitaire devant les rapatrier.

Il y a toujours eu discussion entre les médecins belges et le docteur allemand au sujet de l'envoi des malades à l'hôpital ou au sujet du rapatriement. Il y a eau plusieurs cas flagrants où les malades auraient pu guérir si le docteur allemand avait cédé devant les avis belges concernat l'évacuation ou le renvoi en Belgique. Depuis le début de la captivité, les médecins belges se sont toujours plaints du manque de médicaments et de matériel et, au fur et à mesure que la captivité se prolonge, il y en a de moins en moins et leur besoin se fait de plus en plus sentir. Les malades ne sont pas autorisés à faire venir de Belgique les médicaments qui leurs sont prescrits et que l'on ne peut se procurer, même contre paiement, en Allemangne; les colis qui les contiennent sont confisqués et les médicaments ne sont pas remis aux malades, même les spécialités. Il y a là une situation intolérable qui a déjà coûté la vie à plusieurs de nos camarades et tous les efforts devraient être faits pour obtenir une amélioration.

Autant que faire se peut, et avec l'approbation générale, des régimes adéquats sont réalisés pour les malades par prélèvement sur les envois collectifs : lait, viande, sardines, pâtes, etc... Les officiers souffrant de troubles digestifs ne reçoivent que du gruau.

Les chambres de l'infirmerie sont infestées de punaises, de cafards et autres insectes.

Dentisterie : Le camp ne dispose que d'un mécanicien dendiste belge avec une installation très précaire. Sans matières premières, et presque sans moyens, il doit soigner près de 3000 personnes. Il faut souvent attendre 3 mois après l'inscription avant d'être reçu et un plombage prend plusieurs mois.

L'installation itinérante belge n'est jamais passée par l'Oflag II A.

Posted by bertinj at 4:50 PM
Edited on: samedi, 08 novembre, 2008 4:51 PM
Categories: La Vie dans le Camp, Oflag II A Prenzlau

OFLAG II A Prenzlau | Manger

Maj. LEGRAND, officier évadé le 22 juillet 1943 : Rapport sur les Conditions de Vie des officiers belges prisonniers à l'Oflag II A, à Prenzlau (Londres, le 29 février 1944)

Nourriture:

Les rations allouées par les Allemands sont insuffisantes et les produits sont de qualité médiocre.

Tous les matins vers 7 heures, à l'ouverture des blocs, une boisson chaude -thé ou café (ersatz)- est apportée dans des cruches par les ordonnances et les thermos sont remplis; une deuxième distribution a lieu vers 14h. Le pain et les petits vivres sont distribués journellement dans l'après-midi, pour le lendemain? Ces denrées sont apportées dans les blocs par les ordonnances et réparties par chambre proportionnellement au nombre d'occupants. Les répartitions et distributions se font sous surveillance d'officiers belges : 1 par bloc et par étage.

Les aliments chauds sont préparés séparémeent dans les camps A et B et servis une fois par jour. Plusieurs services se succèdent dans les réfectoires depuis 11:30 jusqu'à 13:30. Tous les officiers recoivent une carte pour un service déterminé et poinçonnée à la réception du repas pour éviter les fraudes. En général, le repas se compose d'un potage (rutabaga 4 fois oar semaine, millet, choux, mauvaise farine de pois) et de pommes de terre cuites en chemise ou quelque fois écrasées et mélangées à un légume. Après avoir fait la queue à la porte et dans l'escalier, l'officier reçoit son repas à un guichet et, à son gré, mange au réfectoire ou rapporte sa nourriture dans sa chambre. Un officier peut emporter les rations de plusieurs de ses camarades et ce système était assez répandu. Dans les trois réfectoires, tables en bois sans nappe et bancs; un bol pour la soupe; l'officier doit amener son couvert et un récipient pour les pommes de terre qu'il doit éplucher et dont il laisse les épluchures sur la table; un seau d'eau plus ou moins chhaude et grasse permet de nettoyer les couverts au sortir de la salle. Quelque fois, dans l'après-midi, 2ème distribution de soupe dans les blocs faites avec des produits reçus des croix-rouge ou pays alliés : riz, haricots, pois, etc... Chaque fois que la chose est possible, la cuisine améliore l'ordinaire par l'adjonction de légumes fournis par le potager créé et entretenu par les officiers, ou reçus de Belgique : carottes, poireaux, céléris, choux, salades, etc...

Les cuisiniers sont des soldats belges; chaque cuisine est surveillée par un officier belge et leur ensemble est sous direction allemande : 1 sous-officier par cuisine toujours présent et l'officier. Les menus sont établis par les allemands. Malgré toutes les demandes souvent répétées, nous n'avaons jamais réussi à connaître les quantités exactes de denrées auxquelles nous avions droit.

La plupart des officiers améliorent la qualité ou le goût des aliments par l'utilisation de produits personnels préparés soit sur des réchauds collectifs ou au moyen de petits réchauds particuliers, à graisse, à bois ou à papier.

Après de nombreuses demandes, les autorités allemandes avaient permis de faire venir de Belgique un certain nombre de réchauds et cuisinières à gaz. Ceux-ci sont installés dans les vestiaires des salles de douches, mais des diminutions continuelles des quantités de gaz allouées en restreignent de plus en plus l'emploi; en juillet 43, une chambre de 6 officiers avait droit 2 fois 10 minutes de gaz par jour; un tableau fixe les heures d'emploi qui sont décalées journellement et le gaz utilisé est payé au Allemands.

Lt. TASSIER, Prenzlau, 15 septembre 1944

Nous avons des petits poêles pour la fristouille, et nous fabriquons nous-mêmes nos briquettes (de combustible) avec un mélange de poussière de charbon et de terre argileuse. J'ai passé mon après-midi d'avant-hier à faire au moyen d'une vielle boîte à conserves des petits pâtés avec ce mortier de charbon que nous laissons sécher au soleil... Et je me suis dit: "Si (mon fils) me voyait !"

OFLAG II A Prenzlau | Les Colis

Maj. LEGRAND, officier évadé le 22 juillet 1943 : Rapport sur les Conditions de Vie des officiers belges prisonniers à l'Oflag II A, à Prenzlau (Londres, le 29 février 1944)

Colis individuels et collectifs:

Les prisonniers reçoivent mensuellement 2 étiquettes donnant droit chcune à 5 kg de vivres; les officers généraux en reçoivent plus. Ces étiquettes sont adressées aux destinataires de leurs choix. Un colis arrivant sans étiquettte est délivré contre remise d'une de celles-ci que l'on peut obtenir à valoir. Mensuellement et en plus à l'occasion de quelques jours de grandes fêtes, les prisonniers reçoivent gratuitement un colis de 5 kg, de Belgique, appelé le colis des Secrétaires Généraux, dont le contenu indique de plus en plus les difficultés de ravitaillement en Belgique : moins de sucre (1/4 kg au lieu de 1 kg), moins de tabac et de cigarettes, de sardines, de pâtes, etc...

En plus de ces distributions, les prisonniers recevaient régulièrement par mois, depuis 7 ou 8 mois, environ 5 kg de vivres de colis venant d'Amérique ou d'Angleterre. Ces envois arrivent au camp sous forme de colis individuels de 5 kg, mais pour éviter de devoir donner une étiquette à leur réception, ils sont ouverts et leur contenu distribué comme envoi collectif; les allemands ne retiennent alors de nos rations normales que le 1/5 du poids des produits équivalents distribués : sucre, viande, fromage, margarine, etc... Toutes les protestations contre cette façon d'agir contraire à la Convention de Genève ne donnent aucun résultat.

Le contenu des colis est vérifé à leur remise, plus ou moins soigneusement par des soldats allemands pour dépister les lettres clandestines ou les produits interdits : poivre, vin, alcool, produits pharmaceutiques, etc... Les colis non conformes sont confisqués et leur contenu remis à la communauté.

Un dépôt de boîtes de conserves non ouvertes a été autorisé où les prisonniers peuvent laisser au maximum 25 boîtes; journellement ce dépôt est accessible pour l'enlèvement des boîtes.

Toutes les manipulations nécessités par le service des colis ou le dépôt des conserves sont effectuées par des soldats et des officers belges, sous contrôle allemand. Les soldats allemands se laissent souvent séduire par un paquet de cigarettes ou un baton de chocolat.

Par suite de la qualité de plus en plus médiocre des aliments allemands et de la difficulté de plus en plus grande de confectionner en Belgique des colis cintenant de la viiande, du beurre, des pâtes, etc... et du prix de revient énorme de ceux-ci, il serait souhaitable que les envois collectifs de nourriture soient augmentés. De même, le tabac et les cigarettes se raréfiant en Belgique, la ration de 100 cig. par mois devrait aussi être augmentée.

Différentes organisations en Belgique, ainsi que des officiers rapatriés, réussissent de temps à autre à faire parvenir des envois collectifs plus ou mons importants; les envois de légumes frais et de fruits étaient très appréciés.

Très peu de vols ou de disparitions de colis, mais des durées très variables pour leur réception, allant de 10 à 30 jours, aussi parfois, de nombreuses marchandises arrivaient avariées.

A mon avis, pour soulager les familles qui ne peuvent dépenser 3000 frs par mois pour expédier 2 "beaux colis" à leur prisonnier, les colis individuels devraient être supprimés et les envois collectifs augmentés jusqu"à représenter 25 kg de vivre par tête et par mois. Cette façon de faire permettrait à tous de recevoir la même chose et des prisonniers qui ne veulent pas grever le budget de leur famille ou manger les produits qu'elles économisent, ne seraient plus obligés de donner ou vendre leurs étiquettes au plus offrant.

Lt. FRINGS Eugène : Informations sur les colis reçus à l’Oflag II-A, extraites du courrier à son épouse Renée Dupont

29 mai 1941

Pour passer le temps, j'ai commandé un banjo il y a 10 semaines, mais il n'est toujours pas arrivé.

27 juin 1941

Nous avons reçu dernièrement 12 tonnes de colis venant d'Amérique et envoyés par les Belges résidant aux Etats-Unis, chacun a reçu environ 4 kg, c'était très varié et j'ai mis 100gr de café de côté, que je me propose de vous rapporter si par hasard on rentrait avant la fin de la guerre.

(...)

Mon banjo est arrivé, c'est une grande compagnie pour moi ; plus tard nous pourrons faire des duos, toi ou Fifille avec la mandoline de mon Père ; la musique ne devra pas être oubliée dans l'éducation.

7 janvier 1942

On ne peut vous envoyer du café américain. Nous avons reçu un colis de Belgique avec un faire part à l'intérieur : " La Belgique Reconnaissante vous présente ses meilleurs voeux de Noël et Nouvel An ". Enfin !

4 février 1942

La " Belgique Reconnaissante " nous a envoyé un colis de Noël. Pourquoi ? Pour s'attirer nos bonnes grâces après nous avoir oubliés pendant 20 mois ?

29 avril 1942

Nous avons reçu un colis personnel du Roi ; d'autre part, nous en attendons de Lausanne et de l'Amérique. On pense plus à nous à l'étranger que dans notre propre pays, on ne l'oubliera pas !

24 juin 1942

Nous avons reçu un colis de sous-vêtements d'Amérique : 1 chemise, 1 pull-over, 1 caleçon, 2 paires de chaussettes et 2 mouchoirs. Là bas au moins on pense à nous.

Lettre du 20 août 1942

Le 7 août j'ai reçu de mon parrain un colis contenant du beurre. C'est la première fois que j'en mange depuis le 12 juin 1940 !

12 novembre 1942

De temps en temps nous recevons des dons étrangers : anglais, américains, africain, consistant en vivres et en cigarettes.

31 mars 1943

Certains camarades ont reçu des disques enregistrés par leurs parents, femme ou enfant ; c'est une très touchante attention mais qui hélas provoque immanquablement un cafard de 8 jours.

28 avril 1943

La " Belgique Reconnaissante "nous a, à cette occasion (Pâques), envoyé à chacun un oeuf (un vrai) et 4 oranges .

28 mai 1943

Je me suis pesé la semaine dernière, j'ai en ce moment 68 kg, donc presque comme avant guerre ; j'ai gagné 5 kg depuis 4 mois, c'est probablement grâce au supplément apporté par les colis que nous recevons d'outre-mer et qui comportent des denrées telles que viande, lait, fromage et autre matières très nourrissantes. nous attendons du riz et du café du Congo Belge.

9 décembre 1943 (II A)

Un stock de vêtements américains est arrivé au camp et me voici donc en possession d'un pantalon en attendant d'être équipé complètement d'un " battle dress ".

OFLAG II A Prenzlau | Le Service religieux

Maj. LEGRAND, officier évadé le 22 juillet 1943: Rapport sur les Conditions de Vie des officiers belges prisonniers à l'Oflag II A à Prenzlau (Londres, le 29 février 1944)

Célébration du Culte

N'est entravée d'aucune manière par les Allemands. Un grand local dans le grenier du bloc B a été transformé en chapelle et très artistement orné et décoré par les officiers. Des messes journalières y sont dites par les deux aumôniers du camp; le dimanche, la messe est célébrée dans la grande salle de gymnastique où se donnent aussi les Te Deum, le 21 juillet et à l'anniversaire du Roi. La Brabançonne est interdite mais chantée quand même.

La Chapelle de ND de Prenzlau

L'icône de Notre Dame du Perpétuel Secours, ramenée de Prenzlau

Cette chapelle se trouve à Mohiville, près de Ciney (Belgique).

Elle est dédiée à Notre Dame du Perpétuel Secours en exécution d'un vœu fait en 1938. La chapelle de Mohiville fut inaugurée solennellement le 20 mai 1951 le Doyen de Ciney assisté par le Curé de la paroisse de Mohiville. Elle contient une reproduction de l'icône crétoise conservée aujourd'hui à Rome.

L'original de l'icône de Notre Dame du Perpétuel Secours est une peinture sur bois, de style byzantin. Sur un fond d'or se détache la Sainte Vierge, revêtue d'une robe rouge aux ourlets brodés d'or. Un voile bleu foncé lui couvre la tête et ne laisse entrevoir que l'extrémité du bandeau qui entoure son front. L'auréole assez large qui enveloppe la tête est ornée de dessins artistement travaillés. Les plis et les ombres sont indiques par les filets d'or.

La Vierge porte sur son bras gauche l'Enfant Jésus. Il est vêtu d'une robe d'un vert foncé, retenue par une ceinture rouge et cachée en partie par un manteau jaune foncé. Sa tête est environnée dune auréole un peu moins large et moins ouvragée que celle de la Madone.

On est frappé par l'attitude de l'Enfant. Au lieu de regarder sa Mère, il rejette la tête en arrière et semble pris d'effroi: il saisi la main de la Vierge, et dans la vivacité de ce mouvement, la sandale de son pieds droit s'est détachée. Cette attitude est motivée par la présence de deux anges, dont l'un lui présente une croix et quatre clous ; l 'autre un calice d'ou émerge la lance et le roseau surmonté de l'éponge. C'est l'annonce de la Passion qui a épouvante l'enfant.

Notre Dame du Perpétuel secours est donc une Vierge douloureuse. On le constate a l'expression du visage; son regard dirige vers nous est emprunt d'une tristesse profonde. Elle semble unir dans une même compassion ( ce mot veut dire souffrir avec) ses souffrance et les nôtres. Les terreurs de son Fils divin la font passer a ses autres enfants de la terre cheminant dans les larmes.

Histoire de l'icône originale

Le tableau aurait été longtemps vénéré dans un sanctuaire de l'île de Crète, ou s'opérèrent, dit-on, de nombreux prodiges. Un marchand l'y déroba sur la fin du 15eme siècle et l'emporta à Rome ou il se rendait.

En 1863, on affirma avoir retrouvé sa trace. Selon une tradition, la Vierge avait jadis demandé qu'on l'honorât à Rome entre Saint Jean de Latran et Sainte Marie Majeure… Or l'église des Pères Rédemptoristes, consacrée à St Alphonse, réalisait précisément ces conditions ! Le Pape Pie IX aurait donc ordonné donc que la Madone très miraculeuse soit placée sur l'Esquilin. Le 26 avril 1866, au milieu d'un cortège qui se voulait triomphal, l'icône crétoise reçut un nouveau trône. Et le 23 juin de l'année suivante, elle fut honoré du couronnement. C'était le dimanche précédent la Saint-Jean-Baptiste et Pie IX fixa à ce jour la fête annuelle de Notre Dame du Perpétuel secours. Le Pontife avait ordonné aux Rédemptoristes: "Répandez partout la dévotion à Notre Dame du Perpétuel secours !". Dociles, les Fils de St Alphonse ont propagé cette dévotion, et la Mère de Jésus est honorée sous son titre de perpétuelle consolatrice dans l'univers tout entier. Nombreuses sont les églises dans lesquelles se rencontre l'image. Des millions de tableaux, de gravures, de médailles de la Vierge miraculeuse ont été répandus dans les cinq parties du monde. Incalculable est le nombre des membres de l'Archiconfrérie de Notre Dame du Perpétuel Secours.

L'image de consolation vénérée à Mohiville (Ciney, Belgique)

Elle vient donc du Camp des Prisonniers de guerre de Prenzlau (Oflag II-A). Le culte de Notre Dame du Perpétuel Secours à Prenzlau y fut instauré très officiellement le 21 juin 1942, jour où l'Eglise commémore tout spécialement la Vierge du Perpétuel Secours. Ce choix de l'icône de ND du Perpétuel Secours doit sans doute quelque chose à la présence dans l'équipe du clergé catholique du camp de Prenzlau du RP Arthur ALLARD, rédemptoriste. La cérémonie fut célébrée par le Chanoine KERREMANS, Aumônier principal, chef du service religieux du camp, lequel procèda alors à la bénédiction de l'image qui est aujourd'hui à Mohiville.

Réalisée en captivité avec des moyens de fortune, cette image ne tire sa valeur que des souvenirs qui s'y attachent et du talent des artistes qui eurent à en faire une œuvre d'art. Un portraitiste, officier des Lanciers, exécuta au pastel les portraits de la Vierge et de l'Enfant Jésus.

Une photographie permit de conserver les proportions exactes et tous les détails de l'image miraculeuse vénérée à Rome en l'église Saint-Alphonse des Pères Rédemptoristes. Un miniaturiste, officier des Chasseurs à Cheval, se chargea du patient travail de la miniature : auréole de la Vierge et de l'Enfant, plis des manteaux, etc… Un orfèvre, lauréat de l'Ecole d'Art Religieux de Maredsous, soldat dans un bataillon du Génie, exécuta les couronnes de la Vierge et de l'Enfant Jésus.

La matière employée fera sourire, tout en témoignant de l'ingéniosité des prisonniers de guerre. A défaut d'une solide plaque de chêne, le portraitiste dut se servir d'un simple papier à dessin. A défaut d'huile spéciale pour le fond d'or, un malade offrit de l'huile de foie de morue. Le métal des couronnes fut taillé dans des boîtes à conserves. Un collier d'enfant et des bouts de bois recouverts de papier de couleur fournirent les perles et les cabochons des couronnes. La merveille, c'est qu'avec cette matière pauvre, les trois artistes parvinrent à reproduire exactement les détails de l'original de Rome.

L'œuvre des prisonniers de Prenzlau fut conservée dans la chapelle qui occupait une partie du bloc B. Elle était ordinairement à gauche de l'autel, côté épître. En témoigne ce dessin du Lieutenant Marcel KEUKELEIRE, daté du 7 octobre 1943 :

Depuis le 21 juin 1942, date de la bénédiction solennelle de l'icône jusqu'à la fin de la captivité, il y eut sans cesse des prisonniers de guerre en prière devant la cette image.

Un prisonnier en prière dans la chapelle - dessin du Lieutenant Charly BINAME :

Une autre photo montre l'icône portée et escortée au cours d'une procession sur le parade-ground du camp, immédiatement derrière le baldaquin protégeant le Saint-Sacrement :

L'arrière du bloc B, frappé par deux bombes aériennes, l' une dans la toiture (chapelle et chambre 401), l'autre au niveau du premier étage - Dessin du Lieutenant Marcel KEULELEIRE:

Un mois avant la libération du camp, le 12 avril 1945 à 21H35, se produisit un drame : deux bombes lâchées par un avion russe saccagèrent le bloc B . Pour les témoins, "ce ne fut que le bruit d'un avion passant à faible altitude et une explosion. Peu de choses." (Source : Sous-lieutenant Charles HERMAND). Il y eut pourtant 8 morts, dont 5 de la chambre B/401, et plusieurs blessés graves (notamment le lieutenant Raymond DEPIENNE, qui s'en tira). Les morts étaient :

N°de la tombe au
cimetière civil
Grade Nom, prénom Né le Chambre Âge
41 Commandant DOZIN François (Liege) 13/09/00 B/301 44 ans
46 Lieutenant GODEFROID Vincent-A.-G. (Mons) 12/12/07 B/401 36 ans
42 Lieutenant DROPSY Palmyre-A (Mons) 31/08/11 B/12.. 33 ans
40 Lieutenant STIEVENART Robert - (Brux.) 10/06/13 B/401 31 ans
43 Sous-Lieutenant HABAY Remy (Liège)   B/302  
44 Sous-Lieutenant BOSERET René (Namur)   B/401  
45 Sous-Lieutenant de PARON Pierre (Bruxelles)   B/401  
47 Sous-Lieutenant FRISON Jean   B/401  

Les huit dépouilles furent provisoirement enterrées au cimetière civil de Prenzlau. La plupart sont revenues dans la terre de leur patrie (mi-juillet 1947).

La chapelle, située dans le grenier en béton du bloc B n'échappa pas au désastre. Mais les âmes pieuses s'étonnèrent devant l'image pieuse demeurée intacte, suspendue à son clou dans la muraille. "Le verre du cadre n'était même pas fendu", alors que toutes les fenêtres avaient été pulvérisées.

La libération des prisonniers de Prenzlau s'accompagna d'une foule d'aléas, de morts et de misère. Mais la "sainte" image fut préservée de la profanation et de la destruction grâce aux soins d'un officier supérieur qui parvint à la ramener en Belgique. Elle fut confiée par l'ancien aumônier Arthur ALLARD à la famille BOTTON-DELENNE, laquelle érigea la, chapelle votive de Mohiville en témoignage de gratitude pour deux guérisons dans cette famille, attribuées à l'invocation de Notre-Dame du Perpétuel Secours, dont le retour à la santé d'un enfant abandonné par les médecins.

Vierge Sainte, mère du Sauveur,
soyez notre perpétuel secours dans nos épreuves .
Pieux pélerins,
souvenez-vous dans vos prières des anciens prisonniers de Prenzlau
et recommandez à Dieu leurs camarades morts en exil

OFLAG II A Prenzlau | L'Organisation des Services

Maj. LEGRAND, officier évadé le 22 juillet 1943 : Rapport sur les Conditions de Vie des officiers belges prisonniers à l'Oflag II A à Prenzlau ( Londres, le 29 février 1944)

Commandement du camp:

Le Commandant belge dy camp est le Lt.-Général le plus ancien, actuellement le Lt.-Général VAN den BERGHE, et, en son absence, le Lt.-Général VANDERVEKEN. Le camp B est commandé par le Major B.E.M. BERKENNE.

Chaque bloc est sous les ordres d'un colonel belge et chaque étage forme compagnie sous les ordres du plus ancien de celle-ci. Le Commandant belge du camp et chque commandant de bloc disposent d'adjoints connaissant l'allemand et de bureaux.

Posted by bertinj at 4:03 PM
Edited on: samedi, 08 novembre, 2008 5:33 PM
Categories: La Vie dans le Camp, Oflag II A Prenzlau

OFLAG II A Prenzlau | Les Souffrances

GABRIEL, Jean : Le Cauchemar de la Captivité. (inédit) in "La Belgique Militaire"

En application de la Convention de Genève

En application de la Convention de Genève à quoi notre pays avait, grâce à Dieu, adhéré, les officiers ne pouvaient pas être contraints au travail et, de ce fait, ne devaient pas contribuer à l'effort de guerre d'une nation qu'ils abhorraient. Dans l'ensemble, ils connurent une longue inactivité et une tranquillité relative, à condition de demeurer dans le périmètre de l'Oflag, de respecter quelques consignes élémentaires, de se plier à d'interminables appels et à des fouilles vexatoires. Mais, qu'on ne s'y trompe pas ! Un être vigoureux et sain, condamné à l'oisivité dans un étroit espace, pour une période dont il n'aperçoit pas la fin, devient un fauve en cage menacé de dépression ou d'un coup de folie.

Le corps et le coeur

(...) Par la suite, on nous logea dans des casernes ou dans des baraquements de bois. Après quelque temps, nous reçûmes deux ou trois colis par mois, expédiés par nos familles, elles-mêmes bien démunies, par la Croix-Rouge de Belgique ou par des pays neutres. On nous autorisa à envoyer mensuellement à nos correspondants deux cartes de six lignes et deux lettres de vingt lignes, munies d'un volet-réponse; bien entendu, ce maigre courrier était impitoyablement censuré. Nous touchâmes une solde modique dont nous pouvions transférer une partie en Belgique. On nous vendit des produits de cantine non comestibles. Un stock de vêtements grossiers, des carrés de toile appelés chaussettes russes, des galoches de bois permirent de compléter les équipements fatigués.

En dépit de ces quelques améliorations, les conditions de la captivité furent de tous temps rigoureuses. Les Allemands trouvaient normal d'entasser vingt hommes dans un local prévu pour huit. La nourriture, à base de pommes de terre, de rutabagas et d'ersatz, fut toujours insuffisante et infecte. Les couchettes étaient des paillasses à demi vidées, posées sur des châlits à deux ou trois étages. Un tabouret pour quatre hommes, une table pour dix. En hiver, quand tout allait bien, quelques briquettes, ou une heure de chauffage central matin et soir. Presque pas de médecins et guère de médicaments; le malade ne devait compter que sur sa volonté de survivre et sur le dévouement de ses camarades. Nombre de prisonniers sont d'ailleurs morts dans les camps et ont été inhumés en terre ennemie, alors qu'ils auraient été sauvés dans des conditions sanitaires normales.

Pourtant, on s'habitue étonnament vite à la misère physique et, en outre, nos compatriotes firent preuve de facultés d'adaptation extraordinaires. Nous fabriquions à l'aide de boîtes à conserves de petits poêles appelés "choubinettes", où brûlaient indifféremment carton, paille, étoffe. Après le couvre-feu, une fois posés les panneaux d'occultation, nous veillons à la lueur de petites lampes à graisse. Certains se firent des potagers d'un mètre carré. Des maraudeurs puisèrent au péril de leur vie, pour leurs compagnons plus que pour eux-mêmes, dans les dépôts de vivres et de combustible de nos gardiens.

Plus graves que les privations matérielles étaient les souffrances morales.

Nous appelons de tous nos voeux la victoire des alliés; nous applaudissions aux moindres signes avant-coureurs de cette victoire; mais, tout de même, il nous arrivait de nous demander si les alliés ne mettraient pas dix ans, ou vingt, pour venir à bout du monstre nazi.

Nous tremblions pour l'épouse, les parents, la fiancée, les enfants restés en Belgique occupée, exposés à la Gestapo, aux raids de représailles, et vers la fin, aux V 1, aux V 2 et à des actions désespérées d'un ennemi aux abois.

Des maris évoquaient avec anxiété les influences que pouvait subir une femme livrée à elle-même ou aux entreprises de pêcheurs en eau trouble. Des fiancés se demandaient si on consentirait à attendre indéfiniment leur retour, et finissaient par rendre sa parole à la fiancée. Des pères souffraient à l'idée que leurs enfants, privés de l'autorité nécessaire, risquaient de tourner mal. Des réservistes s'inquiéaient pour l'affaire qu'ils avaient dû abandonner, et apprenaient parfois, avec une rage impuissante, qu'un faux frère resté au pays leur avait fauché leur gagne-pain.

Dans la force de l'âge, les prisonniers étaient sevrés des joies les plus légitimes du coeur et des sens.

La lutte contre l'ennui.

Sous-officiers et soldats résistèrent de leur mieux aux exigences du Reich, employeur qu'aucune loi sociale ne contraignait.

Pour les officiers, le grand problème fut de se défendre contre l'ennui, générateur de troubles physiologiques et psychiques.(...)

JACOBY : Derrière les Barbelés, 1940-1945

En captivité, on ne souffre pas uniquement des fils barbelés et des sentinelles qui en assurent la garde. La privation de liberté, le manque de nourriture et les brimades du vainqueur ne sont pas les plus grandes souffrances qui viennent du prisonnier. Il en est d'autres qui lui viennent de ceux-là qui s'appellent ses frères d'armes.

C'est que la vraie fraternité, tout comme sa soeur la charité, ne se contente pas de mots, elle se manifeste et se pratique par des actes. Certes, tout ne fut pas condamnable dans les oflags où j'ai passé les cinq dernières années de ma carrière militaire. Il y eut de très belles initiatives, d'autant plus belles qu'elles furent rares et souvent contrecarées et critiquées. Il y eut même des actes de générosité et de dévouement qui se sont inscrits d'une encre indélébile dans ma mémoire. Il y eut aussi des chefs, mais si peu cependant. C'est qu'il faut beaucoup de grandeur à un chef pour abandonner ses aises, son bien-être, ses commodités pour assurer ceux de ses sous-ordres. Et quelle incroyable volonté, quelle indomptable ténacité et quel absolu don de soi ne lui fut-il pas aussi pour tirer d'un groupe d'individus les vertus et les puissances qu'il contient, les joies et la fierté qu'il recèle ? Rien d'étonnant donc de n'avoir trouvé derrière les barbelés que rarement des chefs capables d'une tâche aussi ardue.

Les atmosphères des camps d'officiers de Colditz, d'Eischtätt, de Fischbeck et de Prenzlau ne furent pas les mêmes. Celle de Fischbeck, p.ex., fut à mon avis, plus respirable que celle de Prenzlau, parce que les vertus de générosité, de camaraderie et de désintéressement s'y épanouirent davantage. Chacun de ces oflags eut son visage propre et on ne peut m'en vouloir d'avoir trouvé celui de Fischbeck-Hambourg plus sympathique, plus rayonnant que l'oflag II A (Prenzlau), voire même que l'oflag VII B (Memmingen).

GABRIEL, Jean : Une Chambre de Prisonniers de Guerre, mai 1962, in "La Belgique Militaire"

Jean Gabriel a extrait les souvenirs ci-dessous du roman "La chair et le Glaive" qu'il publia naguère aux éditions Parchim (pp.121 à 136).

La jeune génération sait que de nombreux officiers belges ont été prisonniers de guerre en Allemagne, à l'issue de la campagne des Dix-huit jours, mais elle ignore tout de la terrible épreuve morale que constituèrent ces cinq années de captivité.

A l'intention des jeunes, voici la description d'une chambre d'officiers prisonniers de guerre en Allemagne. Peut-être cela leur permettra-t-il de mieux comprendre leurs aînés.

Mais sans doute certains anciens qui ont connu la vie dans les camps de prisonniers trouveront-ils un plaisir mélancolique à se rémémorer des temps où l'espoir était la seule richesse des officiers belges.

Puissent jeunes et anciens tirer de la lecture de ces quelques pages la conclusion réconfortante que la vie est toujours bonne, tant qu'elle est libre !

* * *

C'était une pièce de cinq mètres sur sept, ouvrant sur une vaste cour cendrée et, au delà d'un triple réseau de barbelés, sur une campagne toujours déserte, dominée par un toit plat.

Elle contenait sept lits à deux couchettes superposées, une grande table etune petite, deux armoires, trois chaises et cinq tabourets.

Nous y vivions à quatorze, dans la cruelle oisiveté que nous nous imposions pour ne pas donner à l'économie adverse l'appoint de notre travail.

Quand huit d'entre nous s'asseyaient, les autres devaient se tenir debout. Aux tables il n'y avait de place que pour quelques-uns et il arriva qu'Alex dût manger dans son giron parce que ses camarades jouaient au bidge. Voulais-je atteindre ma couchette, je devais déranger l'un, cogner l'autre, me hisser sur l'appui de la fenêtre et opérer un rétablissement dont la violence faisait pleuvoir la paille de mon matelas crevé sur Paul qui couchait sous moi.

La porte, toujours grinçante, s'ouvrait cinq cents fois par jour à peu près et une trentaine de fois par nuit.

Les "choubinettes", ces petites poêles faits de boîtes à conserve où l'on brûlait indifféremment du menu bois, du carton, de la paille ou des épluchures, mettaient partout leur suie épaisse.

En hiver, les allées et venues transformaient le plancher en un bourbier; en été, la poussière amenée par le large vent poméranien s'insinuait dans les moindres recoins.

Nous nettoyions beaucoup, bien que cefût difficile à cause de la disette d'eau et de l'encombrement que créaient les sacs, les caisses, les boîtes de carton où nous serrions nos trésors de vieux linge, d'ustensiles rouillés, de légumes déshydratés et autres saletés.

En dépit des nettoyages, punaises et puces prirent posssession de la chambre. Certains de mes camarades au sang particulièrement appétissant passaient d'affreuses nuits de chasse à la vermine et se levaient couverts de gourmes violacées.

Cependant, à cet inconfort, à cette gêne perpétuelle, à cette détresse matérielle, la plupart d'entre nous s'étaient rapidement adaptés.

Il y avait autre chose.

Les quatorze habitants de cette chambre ne s'étaient pas choisis; le bon plaisir des Allemands les avait réunis.

Parmi nous, il y avait des artilleurs, des fantassins, des cavaliers, deux aviateurs. Chaque arme avait ses orgueils, ses coutumes, ses manies, ses susceptibilités propres.

Certains d'entre nous étaient fort jeunes, d'autres grisonnaient. Il en était de joyeux et de moroses, de nerveux et de placides, de taquins et de susceptibles, de frustes et de raffinés. Des caractères positifs côtoyaient des sentimentalités vulnérables, des chrétiens pointilleux se heurtaient à des esprits forts. Les pessimistes se faisaient taxer de défaitisme par des optimistes que l'esprit de contradiction poussait aux illusions les plus béates.

Religion, morale, mariage, art, culture, politique, stratégie... Nous nous sommes déchirés à tous les sujets.

Il suffisait que Maurice dit blanc pour que Robert voulût noir.

Un jour de 1942 où Alex annonçait la fin de la guerre dans les trois mois, il asséna un grand coup de poing sur la table.

- Gontrand ! ça suffit !

- Je n'ai rien dit, protesta Gontrand.

- Non ! Mais je sais ce que tu allais dire.

Une querelle était née. Une querelle de plus ! Elle allait s'enfler de l'aigreur de Maurice, des railleries de Lucien, se nourrir de griefs anciens, oublier son objet, s'égarer, s'apaiser peut-être, recommencer de plus belle, pour terminer par un "je ne te parle plus" d'ailleurs oublié le lendemain par générosité de coeur ou par simple indifférence.

Les plus avisés quittaient les lieux sitôt qu'ils sentaient venir l'orage. Sans doute était ce pour cela que, jour après jour, sous la pluie, dans la neige, sous l'ardent soleil de la canicule, tant de prisonniers tournaient inlassablement au pas de promenade le long des barbelés.

Mais, en hiver, les blocs étaient fermés à quatre heures et il y avait, en toute saison, des heures d'appel, d'alerte où, enfermés dans notre chambre comme des fauves dans leur cage, nous étions obligés de nous supporter les uns les autres.

Certes, la captivité n'était pas faite pour stimuler les vertus de patience et de tolérance. Quand la faim mettait la salive aux dents, crispait l'estomac, donnait le vague au ventre, tenait le prisonnier éveillé sur sa paillasse... ! Quand on en était réduit à une demi-livre de pain sûr et à un litre d'eau sale erronément appelée soupe... ! Quand on se disputait les épluchures de rutabagas... ! Quand, par une température de quinze degrés sous zéro, les radiateurs restaient désespérément froids... ! Quand on était depuis six mois sans nouvelles des siens... ! Quand sévissaient grippes, pédiculose, eczéma, tuberculose et qu'il n'y avait pas, dans tout le camp, l'ombre d'un médicament... ! Oui, vraiment, il eût été mal venu de demander de la tolérance.

Par ailleurs, il manquait aux prisonniers cette expérience quotidienne qui, dans la vie, vérifie ou dément les vues de l'esprit, Pilippe décrétait-il que la schlague convient seule à la conduite des hommes, en temps ordinaire il se fût bien vite aperçu des inconvénients de sa méthode, il eût abouti à quelque catastrophe qui l'eût décillé. En captivité, rien de tel ! Philippe pouvait s'imaginer indéfiniment qu'il avait raison, que tous les autres avaient tort; il pouvait adhérer davantage à sa doctrine à mesure qu'il la professait plus longtemps et la défendre avec une vigueur toujours accrue contre quiconque faisait mine de l'attaquer.

Dans la vie courante, on peut faire illusion. Aucune illusion de tient longtemps dans la fréquentation perpétuelle.

En fait, chacun de nous avait ses défauts que tous connaissaient bien. On savaut qu'Alex était fat, Robert égoïste, Philippe orgueilleux, Maurice irascible, Théo envieux, Jules n'avait pas inventé la poudre à canon, nous le savions. Quant à Lucien, sa langue acérée lui avait valu le sobriquet de "pétroleur" qui avait dégénéré en "pétrole", puis en "Troll".

Chacun de nous avait des défauts, mais chacun avait aussi ses qualités. Alex pardonnait facilement les offenses. Ce n'est jamais en vain que l'on faisait appel au bon coeur de Jules. Philippe partageait volontiers ses pauvres provisions. "Je n'ai pas d'appétit", disait-il.

Maurice assumait la fonction de partageur. Tâche délicate quand il fallait diviser trois onces de marmelade entre dix-neuf bénéficiaires ou une boîte de lait condensé en sept parts égales! Maurice avait acquis rapidement une dextérité peu commune; n'empêche qu'il avait frabriqué de boîtes à conserve une balance assez précise. Chaque ration était pesée, annotée et, grâce à un système de compensations successives, Maurice pouvait affirmer que, en fin de semaine, chacun de nous avait touché la même part de pain à quelques grammes près. Malgré tout, il y avait des récriminations. Alors, Maurice se fâchait rouge et renonçait à tout jamais aux partages; mais le lendemain, il reprenait le couteau et le double-centimètre, insignes de sa charge.

C'est par l'humour que Richard contribua à alléger notre destin.

Oh ! Ce premier soir de captivité ! Un soleil rouge se couchait sur le camp. Nous venions de faire conaissance avec la forte discipline et la faible ration allemandes. Le moral était bas, archi-bas. Alors Richard chanta, et tous ceux qui l'entendirent se sentirent réconfortés. Depuis lors, inlassablement, avec une irrésistible drôlerie, aux heures de joie pour aviver la joie et aux heures de peine pour faire la peine, Richard chanta.

Paul s'attacha à soulager les misères qui l'entouraient. Il s'enferma avec un diphtérique; aux époques d'épidémie, il seconda le médecin. Les corvées, les plus répugnantes, Paul se les attribuait avec le sourire. Tout nauturellement, son action dépassa le cadre matériel et ils ne se comptaient pas ceux d'entre nous à qui d'une boutade, d'un conseil ou par son simple exemple, Paul avait fait beaucoup de bien.

Ces qualités, ces dévouements, ces courages, confinant à l'héroïsme et à la sainteté, beaucoup feignaient de les ignorer pour pouvoir vitupérer à l'aise contre l'humanité en général et contre leurs compagnons en particulier. Mais pour l'honneur de notre communauté, pour l'honneur de la patrie et de l'homme, cela était et chacun de nous, qu'il le voulut ou non, en recueillait le bénéfice.

En cette mort provisoire de la captivité, l'amitié était le grand soutien. Dans cette vie toujours tendue, dans ce quant-à-soi perpétuel, l'ami représentait le repos.

Deviser du beau temps où l'on était libre, se montrer l'un à l'autre d'humbles photos, bâtir de concert un radieux et chimérique avenir, partager déceptions et espérances, s'entraider dans les heures difficiles et même dans les circonstances quotidiennes !

Différences d'armes, de mentalité, d'éducation même ne furent pas toujours des obstacles. Jules, le boxeur, prit sous son aile un mince et pâle officier du génie qui savait jongler avec des intégrales, mais n'était pas fichu d'accommoder une platée de rutabagas. En dépit de caractères très dissemblables, Théo et Philippe communiaient dans un goût commun de la musique classique et c'était le culte du hott-jazz qui rapprochait Alex et Richard. Paul se lia avec Maurice parce qu'ils étudiaient ensemble la philosophie thomiste. Un optimisme à tout crin unissait un aviateur à un "rampant". Il arrivait que le campagnard recherchât le citadin qui lui parlerait des grands boulevards et des petites boîtes; le bavard fréquentait vonlontiers le taciturne qui l'écouterait sans l'interrompre. Des heures durant, un agnostique discutait religion avec ce beau croyant qu'était Paul, pour se heurter, encore et toujours, douloureusement obstiné à la barrière de la foi.

Il existait un esprit de chambrée plus puissant qu'on n'eût voulu le croire. Il s'était façonné lentement et sûrement. Chaque épreuve supportée en commun, chaque espoir caressé en commun, y avaient contribué.

De chérir tous la même patrie, de haïr le même ennemi, d'affronter les mêmes difficulté et de se divertir aux mêmes plaisirs, créait un lieu solide.

Quelqu'un entrait en coup de vent, annonçait l'entrée en guerre de la Russie, la capitulation italienne, le débarquement en Normandie ou en Provence, le franchissement du Rhin à Remagen.

Les bridgeurs lâchaient leur jeu. Jules restait la fourchette en l'air. Robert sautait à bas de son lit.

- C'est un canard ! disait Théo.

- Pas du tout. Jacques me l'a affirmé. Il le tient de François ? La B.B.C. a fait une émission spéciale.

On sortait des cartes. Philippe, au risque de se fourvoyer, expliquait déjà l'événement. Gontrand se faisait attraper vertement parce qu'il n'affichait pas un air assez enthousiaste. La chambrée entière oubliait ses misères et les plus optimistes se voyaient chez eux dans la quinzaine.

Mais l'enthousiasme, cela flambe un jour, deux jours... Puis les prisonniers constataient une fois de plus que rien n'avait changé pour eux et un spleen accru faisait pendant à leur joie trop vive.

D'autre fois, c'était la colère qui soudait les uns aux autres les éléments disparates de la chambrée. Quand Robert avait été menacé d'un coup de crosse, le grondement qui avait fait reculer la sentinelle était une manifestation de l'esprit de chambrée. Ou bien la tristesse ! Quel silence quand le haut-parleur installé dans la cour hurlait les étapes de l'invasion de la Russie ! Et lorsque la B.B.C. elle-même, écoutée clandestinement, laissait percer son inquiétude devant l'offensive Von Rundstedt !

Parfois l'un ou l'autre sentait son courage l'abandonner.

- Cela peut durer dix ans ! Pourquoi pas vingt ? pour finir comment ?

Mais il se trouvait toujours quelqu'un pour lui envoyer une bourrade, une plaisanterie stimulante, un "coup de gueule" et, pour que nul ne se laissât abattre, tous feignaient l'optimisme.

La chambrée avait ses inquiétudes, ses deuils. Quand Philippe avait appris brutalement la mort de sa jeune femme, nous avons pris une part respectueuse à son affliction.

Ce fameux hiver où la grippe fit rage, Robert ne pouvait se lever sans faiblir et nous avons craint pendant quarante-huit heures pour la vie de Paul. Jour et nuit les plus valides d'entre nous soignèrent leurs camarades.

Dans la longue suite des heures monotones, il y avait aussi des éclats de rire. Richard en racontait une bien bonne : le Troll faisait monter Maurice à l'arbre. Pour une maladresse de Théo, pour une naïveté de Jules, on riait aux larmes. Dans la bouche de Paul, la moindre anecdote devenait désopilante.

Les prisonniers avaient leurs fêtes. Nouvel An, l'Assomption, Toussaint. Nous réservions pour ces solennités une chemise propre, une vareuse soigneusement rapiécée, un peu de nourriture, une humeur particulière. Bien des querelles moururent dans l'oeuf parce que, justement, c'était le 15 août ou le jour des morts.

Par cinq fois, nous célébrâmes la Noêl en captivité. Chaque année, en cette circonstance, nous faisions un repas en commun, parfois frugal, parfois presque luxueux. Cela dépendait des colis. En quarante, une platée de pommes de terre stoÏquement économisées sur la ration quotidienne constitua l'essentiel du banquet. En quarante-trois, il y eut du vin et un gâteau aux haricots.

A chaque Noël, nous nous trouvions d'accord pour affirmer : "L'an prochain, à pareille date, nous sommes chez nous". A minuit, nous ouvrions toutes larges les deux fenêtres sur la belle nuit glacée, pour clamer le traditionnel cantique de Noël et bien entendu, plus fort encore, la "Brabançonne" frappée d'interdit.

Pourtant, cette entente quelquefois réalisée n'était jamais de longue durée. Jules était incontestablement un brave garçon, mais il ronflait comme un soufflet de forge, avec une exaspérante indifférence pour le sommeil d'autrui. Au beau milieu de la nuit, Maurice lui lançait une bottine. Jules, le nez tuméfié, nous éveillait tous pour nous prendre à témoins et parlait en termes dépourvus d'élégance de casser la figure à Maurice.

Une moitié de la chambre fumait. Sans cesse une mousseline de fumée bleue tendait la pièce d'un mur à l'autre. Ces fumeurs usaient de bon tabac quand ils en avaient, mais il leur arrivait souvent de se rabattre sur l'infect tagac polonais fait de racines de machorkowe.

L'autre moitié de la chambrée abhorrait l'odeur du tabac et cela faisait entre fumeurs et non-fumeurs de perpétuelles prises de bec.

Il y avait des frileux, des douillets, pour qui le moindre courant d'air était intolérable. D'autres prétendaient vivre toutes fenêtres ouvertes. L'un ouvrait la fenêtre, l'autre la fermait; on la rouvrait, on la refermait, d'abord avec décision, puis avec colère, puis avec rage et il arriva plus d'une fois que toute la chambrée fût en ébullition pour une pauvre affaire de fenêtre ouverte ou fermée.

Beaucoup aimaient lire ou étudier dans le silence. Il se trouvait toujours quelqu'un pour blaguer, pour entamer une discussion oiseuse ou pour se fabriquer une étagère à grands coups de talon de bottine et, le soir, quand nous souhaitions dormir pour oublier le plus tôt possible la journée écoulée et ne pas penser au lendemain pareillement monotone, Jacques et André éprouvaient le besoin de converser d'un lit à l'autre.

Et si même, par un prodigieux effort de camaraderie, nous avions pu éliminer ces griefs majeurs ! Un simple petit sifflotis, tout innocent, peut à la longue devenir intolérable. Et, si même personne n'avait sifflé... Rien que parce que nous étions malheureux ensemble, rien que parce que nous étions enfermés ensemble, nous nous serions pris de temps à autre aux cheveux.

En sorte que chacun des quatorze prisonniers de cette chambrée, comme tous les prisonniers de toutes les chambrées de ce camp, s'était dit plus d'une fois:
"Il y a pire que la séparation, pire que la faim, pire que l'humiliation de chaque instant, et cette chose pire, C'EST LA VIE EN COMMUN."
Cette conclusion -donnée dans le livre "La Chair et le Glaive"- n'est plus reprise dans l'article de "Belgique Militaire" .

dimanche, 02 novembre, 2008

[Manger]

Manger - Les menus: matin, midi, soir - L'eau - Les distributions - Le rationnement - Les partages - La qualité et la quantité - Cuisiner : popotes, choubinettes / cubilos, combustibles - Cultiver, récolter - Chasse au petit gibier - Festins.

La Choubinette

Ont permis l'évocation du souvenir de la "choubinette", les

  • Col.BEM A. Baudry, Col.BEM F.Bouko, Gén-Maj. A .Broekmans,
  • Cdt. M. Chevalier, Col. J. Dargent, Cdt. R. Doulier,
  • Méd-Col G. Herbiet, Cdt. S. Herelixka, Col. P. Hermant,
  • Cdt. P. Léon (+), Col.BEM R. Pappens, Cdt. R. Pirson
  • et Méd-Lt-Col. R. Vallée

Qu'est-ce qu'une "choubinette" ? Ce fut au cours de la guerre 1939 - 1945, dans les camps de prisonniers, un réchaud à combustion lente, bricolé à partir de matériaux divers, mais principalement de boîtes à conserve.Il brûlait de petits morceaux de bois, de carton, des boulettes de papier.

Pourquoi "choubinette" ? Selon certains de nos correspondants, Choubin serait le nom du prisonnier français inventeur de cet appareil de chauffage.Selon d'autres sources, Schubin est le nom du camp où la choubinette aurait vu le jour.Peut-être aurons-nous, plus tard, une mise au point ? En attendant, tout le monde semble d'accord pour reconnaître à la choubinette une origine française.

Très tôt, les prisonniers de guerre ont cherché à "corser" leur régime alimentaire.Faire chauffer de l'eau, réchauffer une soupe "améliorée", cuisiner un plat modeste furent les premières prétentions.Il y eut des camps paraît-il, où l'on disposait de moyens très suffisant.Dans la plupart d'entre eux, c'était plutôt pauvre.Au camp de Prenzlau, il y avait un réchaud à gaz à quatre becs par étage; il fallait prendre son tour et patienter.D'autres camps n'avaient même pas cela.

Les premières réalisations s'inspirèrent des appareils de chauffage... dirons-nous "classiques" ou "traditionnels"; un combustible sur une grille aérée par le dessous, le tout surmonté d'un reposoir pour la casserole, la gamelle ou la poêle.Il y eut, bien entendu, plus d'un modèle.Une boîte à conserve assez large était le matériau le mieux adapté.La grille pouvait être un fond de boîte percé de trous ou fabriquée au fil de fer entrecroisé.Le dessin A en représente un.Le bois en petits morceaux était le combustible le plus rentable. A défaut, on a utilisé du carton, même du carton bitumé - on n'a pas dû persévérer - ou des boulettes humides de papier journal, mais toujours avec moins de rendement et plus de fumée.

Ces engins, au début, ne s'appelaient pas "choubinette", on nous signale : "cubilot", ou "stoofke" et même "blower" par les Britanniques de la R.A.F., parce que pour en augmenter le tirage, on avait imaginé des souffleries à manivelle ou à soufflet.

Un correspondant nous rappelle l'existence d'un chauffe-eau électrique qu'il baptise "choubinette", mais ce doit être une confusion. Raccordant deux fils électriques à une prise, l'on fixait l'un des fils à une boîte métallique contenant l'eau. L'autre fil aboutissait à une lamelle de métal emmanchée à une pièce de bois assez longue. Plongeant cette électrode rudimentaire dans l'eau, on amenait assez rapidement celle-ci à ébullition, en provoquant sur le réseau une baisse de tension appréciable. D'autres préféraient employer deux électrodes. Le système n'était pas sans danger, mais, cependant, fut utilisé pendant toute la captivité, même lorsque tous les autres appareils eurent disparus, après l'apparition "sur le marché", en 1942, de ce qui, dans le souvenir des prisonniers de guerre, allait rester "la" choubinette.

L'inventeur de la choubinette a-t-il redécouvert ou s'est-il rappelé qu'un combustible qui se consume lentement dans une atmosphère pauvre en oxygène produit un gaz inflammable analogue au gaz de bille ? Si l'on enflamme un combustible au fond d'une boîte dont seul le couvercle est enlevé, on va raréfier l'air au point que le combustible va rougeoyer sans flammes et produire un maximum de gaz.

Le mérite de l'inventeur fut d'avoir pu, à partir des matériaux minables dont il disposait, réaliser un appareil capable d'exploiter cette particularité. Le dessin B essaye de donner une idée du principe de la choubinette. Deux gaines concentriques, l'intérieure produisant le gaz, l'extérieure amenant l'air chaud à la hauteur des orifices pratiqués dans le haut de la gaine intérieure et faisant office de brûleurs.

Des problèmes se posaient : - la fixation des deux gaines l'une à l'autre pour maintenir un intervalle constant; - la possibilité de placer un récipient au-dessus des brûleurs tout en permettant l'alimentation en combustible qui ne pouvait se faire que par le haut; - la stabilité de l'ensemble.

Il y eut évidemment plusieurs types de choubinettes. Cela dépendait des matériaux et des outils dont on disposait, de l'imagination et de l'habilité manuelle du monteur. Les matériaux ? Pour les gaines, les boîtes à conserves rondes. Le général Broekmans semble avoir gardé un excellent souvenir des boîtes de petits pois "Marie Thumas" de 400 et 850 grammes. Pour les "portes-plats", tout ce que l'on pouvait récupérer comme boîtes métalliques, fil de fer, morceaux de fer.

Le combustible ? Toujours le bois débité en petits morceaux, le carton, les boulettes de papier journal trempé et mises à sécher. Le bois était le meilleur, mais il n'abondait pas. Alors, on eut recours aux planches qui tenaient lieu de sommier aux lits. Une planche sur deux pouvait disparaître, certains poussèrent les prélèvements à un point parfois dangereux pour le copain du dessous : Un colonel d'artillerie trouva qu'une armoire placée contre un mur pouvait se passer de fonds, et que les planches de rangement étaient inutiles quand on n'avait plus rien à ranger. Il y eut même des portes qui disparurent.

Tous les modèles n'étaient pas parfaits, certains utilisateurs étaient chauffeurs médiocres. Et les choubinettes s'étaient multipliées comme les pains et les poissons des Evangiles. Beaucoup de ces appareils qui auraient dû émettre une flamme bleue et claire, accompagnaient la combustion d'une fumée abondante.

Le dessin C reproduit, tant bien que mal, un modèle que l'on pourrait dire "de luxe". Le "pied" est une boîte à biscuits en fer blanc, percée de façon à permettre une abondante arrivée d'air. Les deux gaines sont constituées de boîtes à conserve rondes fixées bout à bout et sur le pied par torsion des bords et martelage. Une grille et une clef d'aérage sont placées par un procédé analogue dans le bas de la gaine intérieure. La clef permet d'allumer un feu normalement aéré, ce qui est plus facile, et de réduire progressivement l'arrivée d'air. Les trous percés dans le haut de la gaine intérieure sont les brûleurs. Le modèle ne comporte pas de "reposoir" pour le récipient de cuisson. Assez difficile à réaliser, ce dispositif compromettait l'équilibre et éloignait des brûleurs le fond du récipient. On en vit peu, la majorité des "choubineurs" préférant soulever le récipient pour pouvoir alimenter le feu.

La photo D montre, plutôt mal, un choubineur en action, c'est le choubineur inconnu. La photo nous a été adressée par le Médecin colonel e.r. G. Herblet qui la tenait de son père, le lieutenant de réserve Raymond Herbiet. Elle fut prise à l'Oflag X D - Fischbeck, mais le docteur Herbiet ignore le nom de "l'opérant". Cela vous rappelle-t-il quelque chose ?

Les locaux aménagés en cuisines eurent leurs murs et leur plafond rapidement et copieusement noircis. Cela, et les "prélèvements" de bois, incitèrent les autorités détentrices à organiser la chasse aux choubinettes. Il est des accommodements avec le ciel, même quand il est feldgrau. Les prisonniers prirent l'habitude de réserver aux chasseurs les choubinettes ratées et hors d'usage. La vie de ces appareils était courte, le matériau de base était tellement léger.

Vers la fin de la captivité, à Prenzlau, certains de nos gardiens nous prièrent de les éclairer sur la fabrication et le fonctionnement de la choubinette. Eux aussi commençaient à manquer le combustible.

La documentation que nous avons reçue n'est pas épuisée. Il y aura des "souvenirs" et des précisions qui vous plairont. Et que vous pourriez peut-être animer de vos avis, critiques et considérations.


NDLR - Nous ne savions pas lorsque nous avons lancé l'idée de raviver le souvenir de la "choubinette" que le nom de cet ustensile avait déjà suscité un intérêt notoire dans les milieux universitaires.

Dans son article "l'Argot", le professeur P. Guiraud cite, en exemple, une enquête de M.A. Henry, professeur à l'Université de Gand, sur la langue parlée dans le camp de prisonniers où il était interné au cours de la dernière guerre - un camp d'officiers. En 1942, un prisonnier introduisit dans le camp un petit réchaud à combustion lente, fabriqué avec deux cylindres de tôle emboîtés l'un dans l'autre - par exemple deux boîtes de conserves - et percés de trous; il brûle des débris de bois, de carton, des boulettes de papier, etc. Il est facile à fabriquer avec des moyens de fortune, facile à entretenir et constitue l'instrument de cuisine idéal pour le prisonnier. On appelle une "choubinette", parce qu'il vient du camp de Schubin. Ainsi le mot avec la chose sont introduits dans le camp, nous allons maintenant les voir "vivre". D'abord "choubiner"; c'est se servir de la "choubinette", d'où "cuisiner" et aussi "faire brûler du papier dans le réchaud"; mais "choubiner" est un verbe transitif, c'est l'action de la "choubinette", d'où "brûler". De ces gens du verbe "choubiner" dérive une nombreuse famille : Choubinage, choubinaison qui désignent l'action de choubiner. Le choubineur est celui qui se sert d'une choubinette, celui aussi qui la fabrique d'où "choubine, choubinerie, choubinetterie" qui sont indifféremment soit la "cuisine", soit la "salle où on choubine", soit celle où l'on "fabrique des choubinettes". Un choubinard est un "mauvais choubineur", qui fait mal la cuisine; on a de même choubinade, "mauvaise cuisine", rechoubiner, "faire recuire" et le plaisant chouchoubins, "camarades qui font popote ensemble". La choubine désigne aussi le combustible. Telle est la famille de "choubinette", "réchaud à faire la cuisine". Mais un des caractères de la "choubinette", poële primitif sans échappement, est de produire de la fumée, d'où tout instrument produisant de la fumée, surtout si sa forme et sa fonction rappellent celles du récbaud, devient une "choubinette". Et d'abord les "pots à feu" émetteurs de fumée, utilisée par les Allemands pour le camouflage anti-aérien; mais aussi une "pipe", un poële, un "gazogène", puis une "auto", une "locomotive", une "marmite", une "cheminée d'usine" et par extension, une "salle enfumée", un "incendie". D'où choubinier, "qui allume les pots fumigènes", choubinard, "qui fait de la fumée"; choubinage, "émission de fumée", choubinerie, "ensemble des pots fumigènes de Hambourg". Enchoubiner c'est "remplir de fumée", cependant que Choubiner c'est "fumer" et en particulier "fumer la pipe", et ça choubine égale "ça fume", mais aussi, par dérivation synonymique " ça gaze, ça carbure". A ces gens premiers se rattachent des emplois métaphoriques. La "choubinette" c'est la "tête", image appuyée à la fois sur la forme de l'objet et sur celle du mot : "choubinette" rappelant "binette". D'où choubiner, "réfléchir", "penser" et en particulier "raisonner" de travers; c'est aussi "fumer", c'est-à-dire "se mettre en colère". D'où dérive choubineur, "celui qui se met en colère" et parfois un "discuteur"; choubinage est la "méditation", le "travail" et une choubinette un "type coléreux". Mais la "choubinette" est aussi le "ventre", "l'estomac", l'organe qui brûle et digère les aliments et choubiner c'est "digérer" et surtout "chier", "péter". Une "choubinette" est une "tinette" par la tripe association de la forme des deux objets, de celle des deux mots, et du sens spécial de choubiner.

Degré de civilisation

On ne peut juger du degré de civilisation d'un pays qu'en visitant ses prisons (Dostoïevski). - Certes, mais nos touristes se soucient-ils du degré de civilisation du pays dont ils fréquentent les plages?

Et Raymond Guérin (Les Poulpes, Gallimard, 1953, p.16) quant à lui, fait penser au Grand Dab: "Comme disait Einstein, on mesure le degré de civilisation d'un peuple à ce qu'il mange...".

C'était bien l'avis des prisonniers de guerre français, belges, polonais, anglais, américains lors de la 2ème guerre mondiale. C'était aussi l'opinion d'Astérix sur l'armée romaine. Et j'en passe... Mais j'ignore si la référence à Einstein est authentique.

Si vous voulez explorer la piste, cliquez par exemple sur:

... ou bien sur un moteur de recherche avec les mots "degré civilisation". Il y a de quoi passer la soirée.

Posted by bertinj at 10:48 AM
Edited on: dimanche, 09 novembre, 2008 7:35 AM
Categories: La Vie dans le Camp